March 2, 2014

Du storyboard de dessin animé !

Un article un peu différent pour une fois puisqu'il parle du storyboard d'un épisode du dessin animé Droopy, diffusé dans le Tom and Jerry Comedy Show, une émission produite par Filmation pour MGM Television et diffusée en 1980 le samedi matin sur CBS. L'émission n'a apparemment duré que deux saisons, la deuxième saison n'étant, de plus, que des rediffusions de la première.

Filmation, elle, était une société californienne de production de dessins animés, active entre 1962 et 1989, et créée notamment par Lou Scheimer, une légende du dessin animé qui a disparu très récemment. Il est né le 19 octobre 1928 et est décédé le 17 octobre 2013. Il a contribué à la création des dessins animés He-Man and the Masters of the Universe (Musclor en France), Fat Albert & The Cosby Kids, Sabrina the Teenage Witch, Star Trek, The New Adventures of Flash Gordon, Shazam, the Archies, She-Ra Princess of Power et de nombreux autres (j'évoquerai d'ailleurs peut-être certains de ces dessins animés une prochaine fois, puisque je possède un certain nombre de dessins de production ou de cellulos utilisés pour leur création).

Pour en revenir au dessin animé auquel je m'intéresse aujourd'hui, il s'agit du dessin animé Star-crossed Wolf qui a été diffusé pour la première fois dans le Tom & Jerry Comedy Show le 8 novembre 1980. 


Il est possible de voir ce court épisode sur Youtube en suivant ce lien
Malheureusement, cette version semble tirée d'une chaîne russe: les dialogues originaux américains sont couverts par un doublage.
Peu importe, l'histoire n'est pas vraiment compliquée et n'a pas besoin des dialogues pour être comprise.  

Voici donc l'intégralité du storyboard (la plupart des dessins sont au crayon de papier, et certaines cases sont des photocopies):





























Pour ceux peu familiers avec l'animation ou le cinéma, le storyboard est un outil de pré-production: on écrit le scénario/script de l'épisode, puis on en fait une première version dessinée (le storyboard, donc) dans laquelle on dessine et numérote chaque nouveau plan et chaque mouvement différent à l'intérieur de ce plan, ainsi que les éventuels mouvements de caméra d'un plan à l'autre, et les indications d'effets spéciaux. On peut aussi écrire les lignes de dialogues, comme sur notre storyboard


Cette version "statique" du dessin animé permet déjà de se faire une idée de ce qui fonctionnera (ou pas) à l'écran.

Une fois que cette première version dessinée est validée, on passe en phase de production: on crée chaque décor, et on anime les personnages sur des celluloids séparés, en collant au plus près des indications du storyboard. C'est un outil primordial sur lequel toute l'équipe technique s'appuie, que ce soit les animateurs, les dessinateurs de décors, les techniciens sonores, les comédiens doubleurs etc...

Pour cet épisode, si on compare le storyboard au dessin animé final, on remarque que toute une partie intermédiaire a été supprimée : les plans 30 à 49 avec les gags des costumes de gorille et de "Shmarzan" transformé en avion de papier n'ont pas été conservés (19 plans sur 96, ce n'est pas rien !). Peut-être qu'ils allongeaient trop la durée du dessin animé, ou peut-être que les scènes en questions n'ont pas été jugées assez drôles ? Une série de dessins animés ayant en général des épisodes d'une durée identique, on peut penser que la première possibilité est la bonne. 

Concernant les autres scènes, leur version finale est très proche si ce n'est similaire à celle du storyboard

Voici quelques comparaisons de plans:







Les dialogues, eux, sont parfaitement respectés. Une fois créés en pré-production, ils ne doivent plus changer puisque l'animation va être calquée dessus (notamment le lip sync, la synchronisation des mouvements des lèvres des personnages avec l'animation).

Ce dessin animé est une bonne occasion de remarquer à quel point Filmation faisait dans le dessin animé "économique" (car à destination de la télévision). 
Ainsi, de nombreux décors sont réutilisés: le plan large extérieur de la cabine de Droopy (BG 8 utilisé sur le plan 3 puis réutilisé sur les plans 8, 10, 14, 22 et 51) ; le plan intérieur de la cabine de Droopy (BG 9 utilisé sur les plans 9, 10, 11, 15, 23, 52...). Une grosse économie de moyens !
Les animations, quant à elles, sont simplifiées au maximum. Ce n'est pas du Disney, ni au niveau de l'animation, ni au niveau de la qualité graphique. Mais le budget, les conditions de production (équipe réduite, délais certainement très serrés) ainsi que la cible et le support (une émission télévisée pour enfants) expliquent probablement cela. On peut quand même reconnaître à Filmation le fait qu'ils produisaient leurs dessins animés dans leur studio de Los Angeles plutôt que de sous-traiter en Corée ou au Japon comme ça pouvait déjà se faire à l'époque. 

Le storyboard est une étape primordiale de la production d'un film ou d'un dessin animé. Il n'est pas destiné à être vu par le public final, il est simplement un outil pour les créateurs, et peut donc avoir différents niveaux de détails et de finition. Il existe d'ailleurs parfois des pré-storyboards très succincts. A l'opposé, certains storyboards sont de véritables œuvres graphiques et sont particulièrement travaillés afin de servir comme support de communication pour vendre un projet à un investisseur ou à un producteur potentiel. 
Celui d'aujourd'hui a des qualités graphiques certaines et, à mon sens en tout cas, est même plus intéressant techniquement que le dessin animé final.

A bientôt !

No comments:

Post a Comment

Feel free to comment and add any additional information that might be useful.